Quelque soit la taille des réserves pétrolières (1 derrick ou un champ pétrolifère), quelque soit le mode de transport (camion-citerne, tanker, chaland pétrolier, wagon-citerne, pipeline ou jerrican…), quelque soit le lieu (en Mer du Nord, en Afrique, en Amérique du sud, au Canada, en Australie, en Asie centrale ou même au pôle Nord), avec le pic pétrolier les réserves pétrolières prennent de la valeur. Voila pourquoi, progressivement, les producteurs indépendants de pétrole sont en voie de disparition. Petit à petit, OPA après OPA, ils sont de moins en moins nombreux. Toutes les compagnies avec des réserves de pétrole conventionnel peuvent être la cible d’une Offre Publique d’Achat dans les jours, semaines, mois, années qui viennent.
Depuis 15 ans, toutes ces compagnies ont été la cible d’OPA, de fusions, d’acquisitions, de consolidations : Texaco (1901-1998), Coparex International (2002),Unocal Coporation (1890-2004), Origin Energy (2008), Amoco Corporation (1889-2001), Arco Alaska (2001), Valkyries Petroleum (2006), Esprit Energy (2006), Focus Energy (2007), Shiningbank Energy (2007), Cadence Energy (2008), Ecopetrol (2009), Dana Petroleum (2009), Harvest Energy (2009), Revus Energy (2008), Shiningbank Energy (2007), Prime West Energy (2008), Verenex Energy (2009), Addax Petroleum (2009), Bridas Energy (2010), Kosmos Energy (2010), Australian Arrow (2010), KazMunaiGaz (2009), Daylight Energy (2011), Nal Energy (2012), Compton Petroleum (2012), Progress Energy (2012), Nexen Inc. (2012), et ceci, n’est qu’une minuscule partie des achats dans le secteur pétrolier.
Il y a chaque jour de plus en plus d’acheteurs et de moins en moins de compagnies pétrolières avec des réserves (prouvées ou probables) disponibles. Si vous êtes dirigeant ou bien actionnaire d’une compagnie pétrolière au réservoir plein, patience, tôt ou tard si votre compagnie possède des réserves de pétrole, la « valeur » finira par l’emporter.
Cette année les compagnies pétrolières vont investir en l’amont la recherche, la production, le développement, plus de 1 000 milliards de dollars pour la production d’hydrocarbure. Pensez-vous qu’elles soient subitement devenues démentes, qu’elles investissent ces centaines de milliards de dollars sans raison ? Pensez-vous que Kuwait Petroleum (le Kuwait est dans le top 5 mondial des producteurs d’or noir) ait décidé d’investir 4 milliards de dollars dans les sables bitumineux d’Athabasca Oil Sands au Canada parce qu’ils avaient trop de pétrole chez eux ? Ce ne sont pas, encore, des investisseurs chinois à la recherche de pétrole pour alimenter la croissance de la Chine, mais un producteur de pétrole « historique » (le champ pétrolier de Burgan a été découvert en 1938) qui investit dans le pétrole non conventionnel de l’Alberta. Pensez-vous que les responsables Koweïtiens ont subitement perdu leur esprit ? Pensez-vous qu’ils remplaceraient du brut léger (Light) du Koweït par de l’extra lourd du Canada à moins de 10° API (du bitume) s’ils avaient encore le choix ?
Ils est révolu le temps des puits éruptifs, des nappes pétrolifères géantes, du brent, du WTI à plus de 30° API et des interminables colonnes d’huile. Aujourd’hui, dans les nouvelles régions pétrolifères, nous sommes à l’heure de la fracturation hydraulique, des bitumes, des huiles lourdes, des hautes teneurs en souffre, des couches pétrolifères anémiques, de l’offshore ultra profond ou de l’injection d’eau, de vapeur, de polymères pour stimuler une extraction anémique. Pour Citigroup, même l’Arabie Saoudite, pourtant 1er producteur mondial de brut, pourrait devenir un importateur net en 2030 si sa consommation d’énergie continue à augmenter au même rythme (les subventions du prix du pétrole est la pire des erreurs face au pic pétrolier). Quelqu’un peut-il me dire qui exportera du pétrole vers l’Arabie Saoudite ?
Chaque jour les « sept sœurs » (d’ailleurs nous devrions dire les « trois sœurs », car après les fusions et acquisitions, quatre de ces grandes compagnies pétrolières ont disparu, il n’en reste plus que trois.) se séparent de stations à essence, de raffineries, de leur pétrochimie, de terminaux pétroliers, mais pas de leurs précieux champs pétroliers (si l’on excepte les champs épuisés et les problèmes d’une compagnie britannique). Aucune raffinerie n’a été construite aux USA depuis 1976. Si vous videz une bouteille presque vide, vous n’agrandissez pas la taille du goulot pour augmenter le débit, vous le réduisez…
C’est terminé le temps des Ghawar long de centaines de kilomètres (Arabie saoudite 1948), des Kirkouk (Irak 1927), des Burgan (Koweït 1938), des Safaniyah (Arabie Saoudite 1951), des Samotlor (Russie 1967), des Cantarell (Mexique 1976). Pour les nouveaux gisements, on change d’unité ; terminés les dizaines de milliards de barils de pétrole. On ne parle plus que très rarement de milliards de barils, maintenant ce sont des centaines voire des dizaines de millions de barils quand tout se passe bien.
Ces compagnies pétrolières accomplissent quotidiennement des miracles techniques, mais elles ne font pas de la magie, elles ne multiplient pas à l’infini les jerricans d’essence. La géophysique aide à découvrir ce qui existe géologiquement, mais elle ne créée pas le pétrole.
Ce qui m’étonne, c’est que malgré tout, aujourd’hui, la plus grande capitalisation au monde n’est pas le premier producteur de pétrole au monde (413 milliards de dollars) mais un fabricant de lecteurs MP3 et de téléphones portables (619 milliards de dollars)…
Dr Thomas Chaize