Le prix et la production du baril de pétrole.

En 2008 le prix moyen du baril de pétrole était proche des 100 dollars. La première possibilité est de considérer cette hausse du prix du baril de pétrole comme un accident isolé, résultat de la  spéculation et d’arrêter de lire ces lignes. La seconde est de considérer cette hausse du prix du baril de pétrole comme un événement exceptionnel annonciateur de changements structurels majeurs (le pic mondial de la production de pétrole) et d’agir pour ne pas subir passivement la prochaine grande vague de hausse du prix du baril de pétrole. Choisir entre la première et la seconde solution tient plus de la psychanalyse que de l’économie, mon travail ici n’est pas d’expliquer la raison inconsciente de ces choix mais de tracer les contours de ces changements. Que l’on soit particulier, investisseur ou industriel le pic mondial de la production de pétrole nous concerne et il y a de nombreuses décisions à prendre pour soi, ses investissements ou son entreprise. Mais pour agir correctement il faut être convaincu à 110%, sinon faute de certitudes on ne prend pas de décisions cohérentes vis-à-vis de ce problème majeur et on devient spectateur.

I. Prix du baril de pétrole à 100 dollars.

La hausse du prix du baril de pétrole de 2008 est un phénomène rare qui mérite beaucoup plus d’attention. Le prix du baril de pétrole en moyenne annuel a atteint deux fois le niveau des 100 dollars le baril (corrigé de l’inflation)  au 20ème siècle, en 1980  et 2008.
En 1980 c’est la guerre Iran/Irak qui prive brutalement le monde de 10% de l’offre mondiale de pétrole et perturbe le transport du pétrole par tanker dans le détroit d’Ormuz où transitent les trois quarts du pétrole mondial.
En 2008 c’est différent, la demande mondiale de pétrole dépasse l’offre qui est pourtant au niveau record de 86.6 millions de barils de pétrole par jour en Juillet 2008. Malgré un prix à 147 dollars le baril de pétrole (1 baril de pétrole = 0.1364 tonne, 159 litres ou 42 US gallons) l’offre de pétrole demeure insuffisante.
En 1980 c’est une baisse soudaine de l’offre qui est à l’origine de la hausse du prix du baril de pétrole. En 2008 la production est à son maximum grâce aux prix record du baril de pétrole, mais la demande demeure plus forte que l’offre. Malgré sept années de hausse des prix l’offre de pétrole ne suffit plus à la demande, c’est la première fois depuis 1861…

Graphique du prix du pétrole de 1955 à 2009 : prix et la production du pétrole.

Prix du pétrole

II. Le prix du baril de pétrole de 1965 à 2009.

Après la hausse du prix du baril de pétrole en 1980 la demande, la production et le prix du baril de pétrole baissent pendant plusieurs années. La hausse de 2008, similaire en termes de hausse des prix ne semble pas avoir les mêmes conséquences sur la demande, la production et le prix du baril de pétrole. Pour les  optimistes c’est le résultat d’une géniale politique économique de relance et de la rigueur des quotas de pays de l’OPEP. Pour les autres c’est une augmentation des tensions entre l’offre et la demande de pétrole qui empêche le prix du baril de redescendre au plus bas. Le monde est plus dépendant du pétrole aujourd’hui qu’il y 30 ans alors que les nouvelles ressources de pétrole sont de plus en plus inaccessibles et chers à développer pour les compagnies d’exploration et les multinationales du pétrole. Le prix du baril de pétrole ne peut plus descendre sur une période prolongée car cela détruit trop rapidement  la partie de l’offre la plus conteuse (sables bitumineux, biocarburant, offshore profond, etc).
Au pire moment de la crise économique  les investissements pétroliers de la Chine se sont accélérés, la chine a investi des dizaines de milliards de dollars pour acheter des milliards de barils de pétrole de ressources partout dans le monde. L’objectif de la Chine n’est pas un contrôle des prix mais une sécurisation de ses approvisionnements. Le véritable enjeu du pétrole n’est pas son prix mais sa livraison.

Le graphique de la production de pétrole de 1955 à 2009

La production de pétrole

III. Le prix du baril de pétrole en 1980 et 2008.

Il est intéressant de comparer les conséquences de la hausses du prix du baril de pétrole en 1980 et 2008 pour mieux comprendre l’évolution du prix et de la production du pétrole. Après la hausse du prix du baril de pétrole de 1980 la demande de pétrole a brutalement chuté les années qui ont suivi. La demande de pétrole a baissé de 4.7% la première année et de 10% en quatre ans. La hausse du prix du baril de pétrole a provoqué une forte baisse de la demande et de la production de pétrole les années qui ont suivi (1980-83).

L'offre de pétrole de 1972 à 1983

La hausse des prix du baril de pétrole de 2008 a entrainé une baisse de la demande comprise en 0.5% et 1.5% en 2009, ce qui est peu comparé à la baisse de 1980. La demande de pétrole de l’année 2010 est difficile à estimer mais il est probable qu’elle se situe au dessus du niveau de 2009 si l’économie garde la même direction. C’est une situation très différente de 1980, la demande a peu baissé et sur une période beaucoup plus courte, de l’ordre de 1% sur 1 an.

L'offre de pétrole de 2000 à 2010

Quand on étudie l’offre mondiale de pétrole (tous liquides)  en mois on peut voir la même tendance qui se profile. Le niveau de l’offre est déjà en  Novembre et décembre 2009 au dessus de 2005, 2006, 2007 et s’approche des records de 2008.

Graphique de l'offre de pétrole de 2005 à 2009

En 1980 l’offre est réduite par une guerre (causes conjoncturelles et exogènes : guerre), en 2008 c’est la consommation qui dépasse la production (causes structurelles et endogènes : production insuffisante). Ces hausses ont des origines opposées et les conséquences sont naturellement différentes.
Pendant et après la crise la presse et la tv étaient apocalyptiques au sujet de la baisse de la demande de pétrole. Finalement la baisse sera de  l’ordre de 1% (+/-) en 2009 ce qui est peu comparé à la baisse de production de 10% en 4 ans de 1980 et à l’ampleur de la crise économique de 2008. Le monde est aujourd’hui tellement dépendant du pétrole que même pendant une crise économique majeure la demande de pétrole s’est maintenue à un niveau élevé. Le monde n’a jamais été autant dépendant du pétrole alors qu’il doit commencer son sevrage. La transition du pétrole vers d’autres sources d’énergies aura des conséquences aussi importantes que l’apparition du train à vapeur au 19ème ou de l’automobile au début du 20ème.
Deux solutions s’offrent à nous, soit faire le dos rond et attendre ou anticiper et s’adapter comme le fait la Chine. Ainsi nous pourrons en diminuer l’impact, voir même en tirer parti. Cette transition est inévitable mais prévisible, alors organisez vous.

Dr Thomas Chaize

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