La production de pétrole de l’OPEP

Les réunions de l’OPEP sont une sorte de remède miracle à chaque nouvelle fièvre du prix du baril de pétrole. Elle répond à chaque fois à cette attente avec une inflation de mots et une production de barils de pétrole à bout de souffle. Mais que peut réellement faire l’OPEP face à la soif d’or noir des consommateurs ?

Dessin OPEP Petrorama.fr

I. Création de l’OPEP

            L’OPEP est à sa création un cartel de pays exportateurs de pétrole qui doit défendre une hausse du prix du baril de pétrole par des actions concertées de ses membres pour la diminution de leur production de pétrole.

A. Naissance de l’OPEP.

Le baril de pétrole est à moins de 2 dollars (10 dollars actuels) quand, le 10 septembre 1960, l’OPEP voit le jour au Moyen Orient, plus précisément à Bagdad. Elle est crée dans l’indifférence générale par le Venezuela de Perez Alfonso et de l’Arabie Saoudite de Takiri. A l’origine, l’OPEP ne compte que cinq membres : l’Arabie saoudite, le Venezuela, l’Iran, l’Irak et le Koweït. Le siège est d’abord à Genève puis, en 1965, il est déplacé à Vienne. Les pays suivants rejoignent ensuite l’OPEP : le Quatar (1961), l’Indonésie (1962), la Libye (1962), Abou dabi (1967), l’Algérie (1969), le Nigeria (1971), l’Equateur (1973, sorti en 1992 et de retour en 2006), le Gabon (1994) et enfin l’Angola et la Bolivie en 2006
En Anglais OPEP se dit OPEC, cela signifie : Organisation of Pétroleum Exporting Countries.

B. 1er choque pétrolier.

Le 5 Juin 1967, la guerre de six jours fait peser une menace de boycott des pays arabes sur la production de pétrole à destination des USA et de l’Occident.
En 1970, le colonel Kadhafi force les compagnies pétrolières à signer de nouveaux contrats sous la menace de nationalisation.
Le 14 février 1971, l’OPEP impose aux compagnies pétrolières de nouveaux tarifs.
En octobre 1973, pendant la guerre de Kippour, l’OPEP fait à nouveau pression sur les USA et l’Occident sous forme de menaces d’embargo pétroliers.

 C. Deuxième choc pétrolier.

– En février 1979, le Shah d’Iran est renversé au profit de L’Ayatollah Khomeiny et les exportations iraniennes en hydrocarbures sont interrompues.
– En septembre 1980, c’est le début de la guerre Iran/Irak qui dure jusqu’en 1988.
– En 1982, création de quotas de production pour les pays membres de l’OPEP sur la base de leurs réserves, système qui a surtout crée une hausse artificielle des réserves plus qu’une baisse de la production de ses membres.
– Le 2 août 1990, début de la guerre du golf et le 1 mai 2003 début de la guerre d’Irak.

L’OPEP existe depuis plus 40 ans et les hausses de prix qu’elle a provoquées sont plus le fait de crises internes de ses membres et de communication bruyante, que d’une réelle efficacité à coordonner une baisse de la production de pétrole.

Graphique à batons : le prix du pétrole et les crises

Le prix du pétrole et les crises

II.L’OPEP la voie des producteurs ?

L’OPEP a beaucoup changé depuis les années 1970, ce qui devait être un cartel de producteurs ressemble à une association de consommateurs de pétrole.

A. La communication de l’OPEP

A chaque nouvelle hausse du prix du pétrole, l’OPEP est obligée de communiquer en catastrophe, un message qui est souvent  construit en deux parties :
1. « Ce n’est pas notre faute », c’est à cause de la consommation chinoise, de la spéculation des Hedge fund, des tensions géopolitiques. Vous remarquez que les capacités de production qui saturent ne sont jamais mentionnées et encore moins le sujet, tabou, du pic pétrolier de la production mondiale de pétrole.
2. « Nous augmentons la production », message relayé avec beaucoup de bruits par toutes agences de presse avides d’informations pour expliquer une hausse du prix du baril qu’elles ne comprennent pas.
La suite de l’histoire est plus discrète, tous les pays de l’OPEP sont au maximum de production de barils/jour, la production de pétrole stagne.
Voici quelques titres typiques, qui apparaissent à chaque nouveau record de hausse du prix du baril : « L’OPEP se veut rassurante », « L’OPEP cherche à stabiliser les prix du pétrole » ou encore « Les cours pétrolier baissent avant la réunion de l’OPEP », « Si le marché a besoin de plus de brut nous répondrons présents ».
Plus l’OPEP fait du bruit sur ces hausses de production, plus je suis convaincu qu’elle est à son maximum. A force de crier au loup plus personne ne vous écoute ! J’ai parfois l’impression que tout le monde a oublié que l’OPEP est un cartel de pays producteurs qui a été crée pour maintenir le prix du baril à une époque où le monde avait trop de pétrole et non pas pour empêcher les prix de monter le jour où le monde n’a plus suffisamment de pétrole.

B. Le méchant producteur et le gentil consommateur.

C’est une sorte de jeu de rôle avec un méchant et un gentil. L’’OPEP est le méchant qui rechigne à chaque nouvelle hausse de la production aux gentils consommateurs. L’OPEP accepte le rôle et continue à faire croire que ses réserves et sa production sont illimitées. Les pays consommateurs ont un coupable désigné, ils peuvent continuer à consommer plus de 80 millions de barils par jour (1 baril = 159 litres). Le discours « l’OPEP produit au maximum nous devons consommer moins et chercher des sorties de secours » est nettement moins intéressant pour les deux parties.

III. L’Arabie saoudite, le cœur de l’OPEP

La question centrale est de savoir si l’OPEP peut augmenter ou pas sa production de pétrole.

A. La production des pays de l’OPEP.

A chaque nouvelle hausse des prix du baril de pétrole l’OPEP promet de nouvelles hausses de production alors que nombres de ses membres ont déjà atteint le pic de production : le Venezuela et la Libye en 1970, l’Iran en 1976, l’Indonésie en 1977, le Gabon en 1996, l’Algérie en 1999, l’Equateur, le Qatar et, peut être, l’Arabie saoudite en 2004 et enfin le Koweït en 2006.
Au sein de l’OPEP, seul l’Irak a encore une réelle capacité de production supplémentaire, cependant il n’est pas encore en mesure de l’utiliser à cause de la guerre.
Depuis 2005, la production des pays de l’OPEP stagne à une valeur proche de 35 millions de barils/jour (OPEP : 43% de la production mondiale et 75% de réserves « officielles »). L’EIA (Energie Information Administration), dans une projection pour 2030, table sur une production de 57 millions de barils/jour pour l’OPEP (un doublement, oui, oui…), cela ressemble plus à une incantation qu’à une perspective de production de l’OPEP. Les investissements promis pour accroître la production de pétrole serviront dans le meilleur des cas à maintenir la production plutôt qu’à l’augmenter. Toujours selon EIA, le prix du baril de pétrole devrait être à 59 dollars en 2030 (avec un mini de 39 et un maximum de 95 dollars), avec l’inflation du dollars, la hausse de la demande et la stagnation de la production de pétrole, nous avons plus de chance de gagner au loto que de voir le pétrole à une valeur de 59 dollars en 2030.

Graphique La production de pétrole de l’OPEP

La production de pétrole de l’OPEP

B. Le mythe de la production de pétrole inépuisable de l’Arabie saoudite.

Le graphique de la production pétrolière de l’Arabie saoudite (1/4 des réserves mondiales, 13% de la production mondiale) est très révélateur. L’Arabie Saoudite a souvent promis une évolution  de sa production de pétrole au dessus de 12 millions de barils/jour et même au delà de 15 millions de barils/jour. La production de l’Arabie Saoudite n’est montée que brièvement au dessus des 10 millions de barils par jour, alors que l’OPEP a toujours affirmé pouvoir compter sur les capacités illimitées de la production de pétrole du désert de  l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, L’ARAMCO promet une hausse à 12 millions de barils/jour pour 2009 grâce à de gros investissements alors que la production stagne depuis 2005…

Depuis quelques années, l’OPEP fonctionne à l’envers. Crée pour soutenir les prix du pétrole, l’OPEP consacre aujourd’hui toute son énergie à empêcher la hausse des prix. Les promesses dans le vent de hausse de production de l’OPEP ne sont que des signaux parmi d’autres de l’imminence du pic de production pétrolier. Le monde va manquer de pétrole pour soutenir sa croissance. L’OPEP est alors le coupable idéal à cette pénurie pétrolière imminente et annoncée de longue date par de nombreux géologues. Pourtant, aujourd’hui les pays producteurs de l’OPEP ne diffèrent plus beaucoup des autres pays producteurs de pétrole, terminé le cartel de pays  producteurs qui bataille contre les « sept sœurs » et qui soutiennent les prix du baril. Soumise à toutes les pressions, l’OPEP a le robinet pétrolier ouvert au maximum depuis longtemps. Il reste aujourd’hui très peu de capacité de production supplémentaire à l’OPEP pour répondre à la soif de pétrole. Le problème est que l’OPEP demeure le dernier recours pour augmenter la production…
La question aujourd’hui pour les investisseurs et les stratèges ne doit plus être « quand aura lieu le pic de production ? » mais « que va devenir le monde avec moins de pétrole ?»…

Dr Thomas Chaize

 « Chercher à se justifier quand on n’est pas coupable, c’est s’accuser. »
Proverbe arabe

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